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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/162

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Le Sillon, de Georges Michel (plus tard Éphraïm Mikhaël) :

Lentement, sous un ciel implacable et torride,
Traînant d’un pied lassé sa charrue au soc lourd
Et, comme un moribond, tendant sa gorge aride,
Le taureau fait sonner son pas lugubre et sourd.

Je n’ai jusqu’ici cité que la première strophe de chaque pièce. Voici, en entier, une bluette signée Samain, que nous ne connaissions pas encore :

Gabrielle, ô ma brunette,
Aimons-nous, le temps est court,
Baisons nos lèvres, minette…
Rien ne vaut encore l’amour.
Il me faut ton frais sourire
Et tes grands yeux plein d’émoi…
Le flot roule où Dieu t’attire,
La chanson va vers la lyre
Et mon cœur s’en va vers toi.

Si j’ai cité ces vers et les précédents, ce n’est pas pour ridiculiser des poètes dont deux sont déjà entrés dans l’immortalité. Je serais d’ailleurs ma propre victime. Non, c’est pour donner quelque courage aux poètes de dix-huit et même de vingt ans qui désespèrent d’atteindre à la perfection de la forme. La poésie demande un rude apprentissage qui, à vrai dire, ne cesse qu’avec la mort. Méfiez vous des maîtres de vingt ans, et soyez sûrs que ce ne sont pas eux qui mèneront plus tard leur génération.