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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/220

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CHARLES-LOUIS PHILIPPE

La mort du romancier Charles-Louis Philippe aura été déplorée par tous ceux qui savent apprécier un généreux caractère, une noble sincérité et un talent original. Notre ami sera d’autant plus regretté qu’il atteignait à l’âge où l’écrivain, sans rien perdre de ses qualités natives, les met mieux en valeur, où l’art ordonne une plus savante disposition des mots et des images, où la réflexion et la volonté prennent le dessus des dons et de l’instinct.

Charles-Louis Philippe, j’en atteste ses derniers contes, commençait, lorsque la mort l’abattit en pleine œuvre, à mettre plus d’ordre dans ses idées, ses sensations et son vocabulaire. Jusqu’à ces derniers temps tout l’avait sollicité d’un égal attrait. Il voyait trop les choses sur le même plan. Le détail secondaire saillissait de ses tableaux aussi vivement que le morceau principal. Comme les myopes, il regardait de trop près sa toile. On eût dit qu’il pressentait sa fin, tant il mettait de hâte goulue à tout voir, tout sentir et tout dire, sans se douter que l’art consiste, non pas à copier la vie, mais à en dégager les lignes expressives.