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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/229

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et pour lui assurer l’existence dans cette ville jusqu’à ce qu’elle y trouvât un honnête travail. Comme je devais, peu après, me rendre moi-même à Marseille, je fus nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès de Mme Bubu de Montparnasse. Rendez-vous fut pris par lettre, et un soir d’hiver, par une pluie battante, je me trouvai au coin de la Cannebière et du cours Belsunce, tenant sous mon parapluie, comme signe de ralliement, un exemplaire de Bubu de Montparnasse. De la foule qui encombre ce carrefour surgit enfin une petite femme en cheveux, pâle, brune et maigriote. C’était Mme Bubu.

Nous allâmes boire une mominette dans un bar voisin, et comme elle avait l’habitude du monde elle eut vite fait de me mettre à mon aise. Elle m’avoua qu’elle en voulait à Philippe d’avoir, dans Bubu de Montparnasse, reproduit ses lettres sans en corriger les fautes d’ortographe. Je la rassérénai en lui affirmant que la faute d’orthographe était fort bien portée chez les plus grandes dames, voire chez les Académiciens.

Prenant confiance, elle me rassura sur son propre sort : elle me confia qu’elle avait déjà trouvé à Marseille un protecteur, un homme de loi, me dit-elle, sans préciser s’il était juge d’instruction ou garçon de vestiaire au tribunal : enfin elle se montra maternelle, malgré son jeune âge,