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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/238

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— Ah ! comme je suis heureux qu’on me traduise en français ! s’écria-t-il.

Et je me rappelai le poème magnifique qu’après l’année terrible il avait dédié à la France. Il me demanda des renseignements sur Jules Laforgue, dont il aurait d’ailleurs peu compris le génie.

— Et quels poèmes de moi a-t-il traduits ? demanda-t-il.

Les Enfans d’Adam, répondis-je.

C’est dans cette partie du recueil des Feuilles d’Herbe que se trouvent les passages qui choquèrent le plus la pudibonderie américaine, et qui firent ranger le chef-d’œuvre de Walt Whitman, par je ne sais quel post master ivre de vertu, parmi les écrits obscènes dont l’envoi par la poste expose l’expéditeur aux pires sévices de la loi.

Walt Whitman, eut un sourire à moitié content, à moitié espiègle, en me répondant :

— J’étais certain qu’un Français tomberait sur ce passage.

Le jour baissait. Le vieillard se sentait las. Nous n’abusâmes pas de sa patience. Et nous partîmes sans bruit, émus par son accueil de bon patriarche.

La rue. Les lampes électriques. Le tapage de la foule. Les gestes inutiles. Les vaines paroles…