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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/257

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QUELQUES NOTES DE VOYAGE

GENÈVE

I

Genève est une honnête ville. Il me semble naturel que ses habitants se soient adonnés à l’horlogerie, car, de toutes les villes de l’Europe, elle est celle qui sait le mieux l’heure qu’il est. Elle n’avance pas comme cette folle de Paris, elle ne retarde pas comme la somnolente Bruges. Elle suit son évolution en se méfiant des révolutions. Elle est libérale sans licence, elle est conservatrice sans réaction. Aussi dénuée de fantaisie, est-elle un peu ennuyeuse, comme ces tantes de province qui font chaque année des confitures à date fixe. Elle est par trop raisonnable. Elle fait peur aux poètes.

Pourtant elle a son charme, qui est celui du bon sens, de la bonne foi et de la bonne volonté. Je doute qu’on doute beaucoup à Genève et je crois qu’on y croit fortement. Genève est protestante, sinon avec grâce, du moins avec dignité. Si elle n’a pas la légèreté française, elle n’a pas non plus