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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/262

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masse tassée de la chevelure. Et à chaque mouvement de ses grêles hanches, les franges de son châle noir ondulent comme au rythme d’une danse. Elle chantonne d’une voix un peu rauque quelque chose de voluptueux et de menaçant. Et quand elle glisse sous le rayon jaune d’une lanterne je vois palpiter sous son menton pointu un mol éventail rouge.

V

C’est une petite fruiterie tapie près du pont du Rialto. Tout le cadre de la boutique est garni de branches de laurier. Au-dessus de la porte ramage, à jabot gonflé, un canari. Et depuis l’ombre silencieuse de l’échoppe jusqu’au soleil tintamarrant de la ruelle, bataillent, en un fastueux étalage, les jaunes des oranges, des citrons et des abricots, les rouges des cerises, des tomates et des piments, parmi lesquels s’assombrissent le roux tavelé des bananes de Barbarie, le brun lisse des nèfles du Japon et le violet givré des figues de Sicile. Dans un seau d’eau posé par terre des champignons flottent.

VI

Dans les quartiers populaires, les poissonneries restent ouvertes une partie de la nuit. Sous l’é-