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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/268

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II

J’ai vu jadis Florence un jour de carnaval. La racaille se pressait dans la Via Calzaioli : hommes habillés en femmes, femmes vêtues en hommes, arlequins et colombines, faux nez en carton et barbes postiches en crins, mirlitons et ocharinas. Toute la joie glapissante et malsaine du mardi-gras moderne. Odeur de sueur et de poussière.

Soudain un remous dans la foule et la subite surprise du silence. De leur pas rapide, crucifix en tête, la cagoule sur le visage, passent, portant un cercueil sur un brancard, fugitive vision de la foi du Moyen-Âge, les sinistres et secourables frères de la Miséricorde. Ils fendent la foule du signe incliné de la croix. Je les suis. Une porte d’église s’ouvre auguste et noire, puis se referme pour recueillir le mort dans l’ombre, la paix et le murmure des prières.

III

De Fiésole je regarde la nuit tomber comme une bénédiction sur Florence. De la masse urbaine se détachent encore, dominant la brume piquée de gaz et d’électricité, les dômes de Sainte-Marie de la Fleur et de Saint-Laurent, le campanile de Giotto et celui du Palazzo Vecchio, et les