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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/273

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FRAGMENTS DE LETTRES D’UN POÈTE
À SA FIANCÉE

I

Votre carte reçue ce matin m’apprend une chose qui me stupéfie : comment il n’y a que huit jours que j’eus le bonheur de vous voir ? Mais il me semble que depuis l’heure où je vis votre train disparaître, de la gare, des éternités sont passées — des éternités de regret… Mais je ne vous écris pas pour vous entretenir des souffrances d’un vieux poète.

Et voici que vous me réclamez L… ! Mais c’est encore un peu de vous qui partira, car avec L. je peux parler de vous.

Je me retourne, et je vois votre portrait qui s’illumine dans son cadre d’or, comme l’image d’une petite sainte dans sa châsse. Une sainte ? Non, je n’aime guère les saintes, pas plus que les saints. J’aime mieux mon humanité toute naturelle. Je disais hier soir à L. que j’étais persuadé que vous aviez des défauts mais qu’ils