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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/282

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morose et rien ne peut me distraire. Jamais je n’ai été dans un tel état. J’ai pourtant beau me dire que je te reverrai dans dix-sept jours et que je devrais m’estimer l’homme le plus heureux du monde, je reste plongé dans la plus morne tristesse. Les soirées surtout me semblent interminables. Mon malheureux esprit se reporte à F. et je compte presque les secondes qui nous séparent encore.

Il est maintenant dix heures du soir et j’ai envie de me coucher comme de me couper la tête. Et pourtant il n’y a rien à faire ici, sinon se promener de long en large dans l’unique rue du village en compagnie de longs Anglais en smoking et de longues Anglaises en robes blanches. Le comble c’est que je regrette Interlaken où il y avait un peu de vie et de mouvement. Si seulement je pratiquais l’alpinisme ! Encore voudrais-je avoir des amis et ne pas me promener seul avec un guide. D’ailleurs à force de penser à toi, je tomberais dans une crevasse, comme le Monsieur enterré dans le cimetière du village dont J’ai relevé l’inscription funéraire :

En admirant dans ces montagnes
Les ouvrages admirables de Dieu,
Il tomba dans un gouffre.

Il faut tout de même que j’aille me coucher. J’ai