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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/35

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Autre lettre :

Le poème lyrique est la fleur suprême de toute littérature et c’est la fleur suprême de la personnalité.

D’autres lignes, datées du 2 Novembre 1909, révèleront le culte et la grandeur de pureté dont l’âme de Merrill était emplie, mieux que n’importe quel commentaire :

Dès mon enfance j’ai voulu être un poète, et les psaumes de David me ravissaient… Que m’importe que je sois un mauvais poète, mettons un poète tout à fait négligeable dont le nom mourra avec lui ? J’ai dû à la poésie les plus hauts transports de ma vie ; j’ai aimé les poètes avec une passion toujours égale et fidèle. J’ai chanté à mon tour. J’ai mis dans mes vers toute mon âme. J’ai parfois ressenti à les écrire une douleur tellement intense que je ne la distinguais plus de la joie supérieure. S’exprimer, jaillir hors de soi-même en chants, voilà la seule raison vraie de la vie. Quand on est ainsi hanté, que voulez-vous que cela me fasse l’approbation de celui-ci, le blâme de celui-là ? Je sais que je suis aimé et approuvé par les divins lyriques, puisque c’est pour moi et mes pareils qu’ils ont écrit. Et je suis résigné à vivre sans renom, puisque j’aurai sans cesse communié avec les âmes les plus harmonieuses de l’humanité.

Nous trouvons-nous assez loin des mesquines vanités, des ambitions faciles et dérisoires qu’on se complaît généralement à prêter aux poètes ? En est-il, il est vrai, beaucoup qui soient allés aussi profondément au delà des préjugés vulgaires et des quotidiennes compromissions ?