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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/51

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POÈMES ROYAUX

LE JOUR DES JOURS

Avant ce jour des jours, la vie de mon ami était comparable à celle d’un paisible village dont les habitants partent sagement, à chaque aurore, pour l’œuvre des champs et des jardins, et en reviennent à chaque crépuscule pour danser et chanter dans la salle noire du cabaret ou sur la place verte de l’église. Tout au long de l’année, on y voyait s’élever de l’âtre des chaumières, vers le ciel plein d’hirondelles ou de corbeaux, la légère fumée qui annonce aux mendiants la cène familiale. Et on y entendait, à l’heure des lampes, le murmure humble et bas des prières où la voix des petits enfants se mêle à celle des vieillards.

Depuis ce jour des jours, la vie de mon ami est comparable à celle d’un village saccagé par les barbares. Les trompettes de guerre y hurlent dès l’aube dont la rouge lueur semble se prolonger jusqu’à celle du crépuscule, les lourds chevaux aux caparaçons d’or écrasent dans les champs, les blés et dans les jardins, les roses, la flamme des incendies s’élance vers le soleil parmi les lances qui défient Dieu et les étendards