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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/52

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où sont peints d’étranges monstres. Les prières, je les ai oubliées. Je ne puis plus que hurler d’épouvante dans le fracas des maisons qui s’écroulent et parmi les râles des vieillards et des enfants qu’on tue.

UN ROI PLEURE

Je suis le roi d’une ténébreuse vallée. Je suis assis sur un trône de fer, la tête entre les mains. Mon manteau n’est qu’une loque, mon épée s’est rouillée sous les pluies, et j’ai jeté mon sceptre dans le fleuve d’un lointain pays.

Je ne possède plus de palais où abriter ma vieillesse. Le vent de la nuit éternelle souffle dans ma chevelure, et je n’ai de force que pour chanter l’appel aux morts. Des larmes intarissables coulent entre mes doigts.

J’ai oublié le nom de la reine qui me consolait, et j’ai repoussé le petit enfant qui me demandait pourquoi je lui cachais mes yeux. Je n’entends au loin que le hurlement de mes meutes qui pourchassent des fantômes.

J’attends inlassablement la Mort sur mon trône de fer. Mais elle ne viendra pas, car je suis immortel comme ma douleur, et je ne puis que pleurer à jamais, la tête entre les mains, dans la ténébreuse vallée dont je suis le roi.