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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/62

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le tonnerre dans la tempête, le mystère de ces mondes dont parlèrent les géants nos ancêtres.

Depuis cette heure des heures mon âme d’archange vole, sonore et folle, sur l’aile musicale des hippogriffes du gouffre, vers cet Inconnu qui est au-delà de notre Inconnu, comme le Silence est au-delà de la Ténèbre !

Et mes pâles mains se crispent, roides des gemmes dérobées jadis au trésor du Dragon, vers les éblouissants arcanes, que les dieux ont à jamais cachés, par crainte d’inéluctable folie, au sanglant regard de mes frères.

Plus haut, du vol et du galop, ô monstres de la révélation, jusqu’à ce que mes lèvres exsangues mordent aux grappes de pourpre que vendangeront, aux jours de la vengeance, le Christ et Satan,

Afin que, heurtant de mes bras tumultueux à la porte adamantine de la septième sphère où se dressent, la lame de blanche flamme à la main, les séraphins et les chérubins ailés de lune et casqués de soleil,

Je puisse, ayant accompli ma septuple destinée, jouir enfin, dans les paradis d’asphodèles et d’amaranthes où le jour est la nuit et la nuit est le jour, de la Vie parfaite dans la parfaite Mort, pour l’éternité des éternités !