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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/83

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fiancé parti, parmi les lances levées et les bannières déployées, pour mener croisade contre les mécréants.

Je te dirai de belles histoires des temps passés. Mais il faut que j’appuie la tête contre ton cœur pour entendre les chants de guerre des croisés, et le grondement des litanies latines, et la marche des armées de fer dans les déserts de feu, et le soudain battement des tambours des barbares, et le tonnerre des chevauchées avant la mêlée, où, dans les flammes du crépuscule, étincelaient, symboles des deux sublimes folies, la croix et le croissant.

Je te dirai de belles histoires…

X

Non, je ne te les dirai pas. Notre amour n’est digne que du silence. Qu’on étouffe les vaines paroles qui volent sur les lèvres des hommes, qu’on jette au bûcher les livres où les poètes ont imprimé leur pensée. Quand j’ai fermé la porte de la chambre sur notre secret, j’oublie les hymnes qui ont lancé les peuples à la bataille, et les vociférations des poètes dressés dans la foudre des monts, et l’appel des grands tribuns rouges aux esclaves qui redressent l’échine dans les ergastules. Un seul mot suffit désormais à ma folie balbutiante, et ce mot, tu le connais, ô bien-aimée !