Page:Stupuy - Henri Brisson, 1883.djvu/16

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porte et les inonde de clartés si vives qu’ils paraissent rayonner eux-mêmes la flamme dont ils sont pénétrés ; sur les barques, les passagers sont debout, dans ces fières attitudes qui prêtent à chacun ici un caractère biblique ; les lignes de leur corps, les plis de leurs vêtements, tous les contours sont estompés de cette lueur dont les peintres couronnent la tête des personnages sacrés ; ils glissent ainsi, dans un nimbe de gloire, portés sur les vagues étincelantes par un mouvement sans effort où les séductions de la vie le disputent à la majesté du repos et, lorsque la nef aborde, je m’étonne toujours qu’il n’en descende pas des dieux.

Ailleurs, il se promène :

Me voici dans la campagne, en plein air, les figuiers sycomores me protègent de leur ombre ; les blés sont verts, le ciel est bleu, le fleuve, tel qu’une mer de nacre, chatoie sous le soleil ; blanches comme l’aile des cygnes, quelques voiles le sillonnent et fuient rapidement. Le sol du pays est si bas que, sur la rive opposée, entre les dattiers qui la bordent et les montagnes qui ferment la vallée du côté de l’ouest, j’aperçois seulement le sommet des pyramides de Sakkara, près desquels M. Mariette a découvert le Serapeum de Memphis. Parfois pourtant, entre deux bouquets de palmiers, une bande d’argent traverse la plaine : c’est un de ces canaux où l’on retient les eaux du Nil quand l’inondation se retire ; un peu plus multipliés, ils seraient pour le pays une source d’incommensurables richesses.

Sur ma gauche et à une très petite distance, l’horizon est formé par les dernières croupes du Mokattam ; tout à coup, à un coude que le Nil fait vers l’orient, apparaissent à quelques lieues les montagnes de la chaîne arabique ; sur leurs flancs dénudés, deux couleurs sans plus, le rose et le gris-perle, se mêlent, se fondent, s’opposent et s’harmonisent en des jeux de lumière désespérants pour le pinceau ; le rose, c’est la lumière, le gris-perle, c’est l’ombre, s’il est permis de parler d’ombre en Égypte, car les parties qui sont dérobées à