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ses festins ; en un mot, il resta toujours pour eux simple particulier. Il prodigua de grands honneurs à sa belle-mère, lui donnant des spectacles de gladiateurs et d’autres marques publiques de déférence.

IX.

Il se rendit ensuite dans les Gaules, où tous ceux qui en avaient besoin reçurent des témoignages de sa libéralité. De là il passa dans la Germanie ; et quoiqu’il préférât la paix à la guerre, il exerça les soldats, comme si la guerre eût été imminente. Il leur apprit à supporter la fatigue, vécut lui-même en soldat au milieu d’eux, prit ses repas en leur présence, et se nourrit, comme eux, de lard, de fromage et de piquette, à l’exemple de Scipion Emilien, de Metellus et de Trajan, l’auteur de sa fortune. Il accorda des récompenses à un grand nombre d’entre eux, et à quelques autres des distinctions, pour les encourager à faire ce qu’il en exigeait de pénible. C’est lui qui, depuis Auguste, contribua le plus au maintien de la discipline, que la négligence des précédents empereurs avait laissée s’affaiblir. Il introduisit plus d’ordre dans les emplois et dans les dépenses. La seule justice, et non la faveur des soldats, présidant au choix des tribuns, il ne fut plus permis à personne de s’éloigner de l’armée sans de bonnes raisons. Son exemple était pour tous un puissant aiguillon : il marchait sous les armes l’espace de vingt mille pas ; il avait fait détruire dans son camp les salles de festins, les portiques, les grottes artificielles, les jardins d’agrément ; il était ordinairement vêtu de la façon la plus simple ; point d’or sur son baudrier, aucune pierre précieuse aux agrafes de son manteau, une lourde épée dont la poignée était tout au plus d’ivoire. Il visitait dans leurs quartiers les soldats malades ; il désignait lui-même l’emplacement des camps ; il n’accordait le bâton de sarment qu’aux soldats robustes et de bonne renommée ; il ne créait tribuns que des hommes faits, ou d’un âge à soutenir, par leur expérience et leur sagesse, l’honneur du tribunat. Il ne souffrit pas qu’un tribun reçût quoi que ce fût des soldats. Il écarta d’eux tout ce qui sentait la mollesse, et il fit des changements à leurs armes et à leur équipage de guerre. Il s’était aussi constitué le juge de l’âge militaire, pour empêcher qu’au mépris de l’ancien usage, il y eût dans les camps un seul soldat ou trop jeune pour payer, au besoin, de sa personne, ou, ce qui eût été contraire à l’humanité, trop vieux pour le service. Il s’appliquait même à les connaître, et à en savoir exactement le nombre.

X.

Il exerçait, en outre, une active surveillance sur les magasins de l’armée ; et il se faisait rendre un compte exact des contributions des provinces, afin de leur faire compléter les sommes qu’elles pouvaient rester devoir. Il évitait par dessus tout d’acquérir ou de garder rien d’inutile. Ce prince, après avoir ainsi formé les troupes sur son modèle, se rendit dans la Bretagne, où il corrigea un grand nombre d’abus, et éleva le premier un mur de quatre-vingt mille pas de longueur, destiné à séparer les Romains d’avec les barbares.

Quoi qu’il se plaignît souventde l’humeur difficile et acariâtre de sa femme Sabine, et qu’il l’eût, comme il disait, répudiée, s’il eût été simple particulier, il donna des successeurs à Septicius Clarus, préfet du prétoire, à Suétone Tranquille, son secrétaire, et à plusieurs autres qui, à cette époque, s’étaient conduits avec elle,