Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/344

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de largesses, quoiqu’ils dédaignassent de venir le trouver. Les rois de la Bactriane lui envoyèrent des ambassadeurs, pour solliciter son amitié.

XXI.

Il donna souvent des tuteurs aux pupilles, et il maintint la discipline civile aussi soigneusement que la discipline militaire. Il voulut que les sénateurs et les chevaliers romains portassent toujours la toge en public, excepté en revenant d’un souper. Lui-même ne se montrait jamais qu’en toge quand il était en Italie. Il recevait debout les sénateurs qu’il avait invités à un repas, et, à table, il avait toujours le manteau grec ou la toge rabattue. Il régla la dépense des juges, et la réduisit à l’ancienne mesure. Il défendit d’entrer dans Rome avec des voitures lourdement chargées, ou à cheval dans les autres villes. Il ne permit qu’aux malades de se baigner en public avant la huitième heure. Il eut, le premier, des chevaliers romains pour secrétaires et pour maîtres des requêtes. De lui-même il enrichit ceux dont la pauvreté était honorable, et il ne témoigna que de la haine à ceux dont la fortune était due à la fraude. Il prit un très grand soin de la religion romaine, et méprisa les cultes étrangers. Il remplit les fonctions de souverain pontife. Il instruisit souvent des causes à Rome et dans les provinces, admettant à son conseil les consuls, les préteurs, et les membres les plus distingués du sénat. Il donna une issue aux eaux du lac Fucin. Il constitua juges quatre consulaires, dont la juridiction s’étendait sur toute l’Italie. Lorsqu’il se rendit en Afrique, où il n’était pas tombé d’eau depuis cinq ans, il plut à son arrivée, et cette circonstance le fit chérir des peuples de ce pays.

XXII.

L’habitude où il était de voyager partout la tête nue, malgré les plus fortes pluies et les plus grands froids, lui causa une maladie qui le força de garder le lit. Occupé du choix de son successeur, il pensa d’abord à Servien, qu’il contraignit ensuite, comme nous l’avons dit, à se donner la mort. Il avait en aversion Fuscus, à qui des présages et des prodiges faisaient espérer l’empire. Il tenait pour suspect Plétorius Népos, pour qui il avait eu tant d’affection, qu’il supportait patiemment l’affront de n’être pas admis près de lui quand il allait le visiter malade. Il écarta aussi Térentius Gentianus, et avec d’autant plus d’animosité qu’il le voyait alors aimé du sénat. Tous ceux enfin qui semblaient appelés au trône, il les haïssait comme autant de futurs empereurs. Il réprima toutefois la violence de sa cruauté naturelle, jusqu’au jour où un flux de sang, qui le saisit dans sa villa de Tibur, le mit à l’extrémité. Alors il ne se contraignit plus, et il força Servien à mourir comme coupable d’avoir aspiré au trône, parce que ce dernier avait envoyé sa desserte aux esclaves d’un roi, parce qu’à table il s’était assis sur un siège royal, près de celui de l’empereur ; parce qu’enfin ce vieillard, âgé de quatre-vingt-dix ans, s’était avancé, d’un air assuré, vers quelques postes militaires. Adrien fit encore périr beaucoup d’autres citoyens, soit ouvertement, soit en secret. Il fut soupçonné aussi d’avoir fait mourir Sabine, son épouse, en lui donnant du poison.

C’est pendant cette maladie qu’il résolut d’adopter Céjonius Commode, que sa beauté lui avait rendu cher autrefois, et qui était le gendre de ce Nigrinus dont il avait eu à