Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/345

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redouter les embûches. Il adopta donc, malgré tout le monde, Céjonius Commode Vérus, et il le nomma Elius Vérus César. L’empereur, pour célébrer cette adoption, donna des jeux dans le cirque, et fit un présent au peuple et aux soldats. Il revêtit le nouveau César de la préture, lui donna le gouvernement des Pannonies, le fit consul, pourvut pour lui aux frais de cette dignité, et enfin le désigna pour un second consulat. Mais voyant que ce prince était maladif, il dit plus d’une fois : « Nous nous sommes appuyés sur un mur qui vacille, et nous avons perdu les quatre cents millions de sesterces donnés au peuple et aux soldats, pour l’adoption de Commode. » Celui-ci ne put même pas, à cause de sa mauvaise santé, remercier Adrien, devant le sénat, de la faveur qu’il en avait reçue. Sa maladie ne fit qu’empirer ; et ayant pris une trop forte dose d’un certain remède, il mourut en dormant, le jour même des calendes de janvier : aussi Adrien, vu la solennité du jour, défendit-il qu’on le pleurât.

Après la mort du César Elius Vérus, l’empereur, dont la maladie faisait de rapides progrès, adopta Arrius Antonin, qui fut plus tard appelé le Pieux ; mais il lui imposa la condition d’adopter, à son tour, Annius Vérus et Marc Antonin. Ce sont les mêmes qui, dans la suite, ont, les premiers, gouverné en même temps la république en qualité d’augustes. Antonin fut, dit-on, surnommé le Pieux pour avoir, un jour, présenté la main à son beau-père, accablé par l’âge. D’autres prétendent qu’il mérita ce titre pour avoir soustrait plusieurs sénateurs aux fureurs d’Adrien ; d’autres encore, pour avoir rendu de grands honneurs à ce prince après sa mort. L’adoption d’Antonin déconcerta bien des prétendants, surtout Catilius Sévère, préfet de la ville, qui se frayait un chemin au trône. Ses menées furent découvertes, et on le remplaça dans sa dignité.

Cependant Adrien, souverainement dégoûté de la vie, ordonna à l’un de ses esclaves de le percer d’une épée. Cette nouvelle étant venue à la connaissance d’Antonin, il courut avec les préfets chez l’empereur, et ils le conjurèrent d’endurer courageusement son mal. Ce prince, irrité, commanda de mettre à mort celui qui l’avait trahi ; mais Antonin le sauva, et dit à Adrien qu’adopté par lui, il deviendrait parricide, en souffrant qu’on lui ôtât la vie. Adrien écrivit aussitôt son testament, et continua de s’occuper des affaires d’État. Il essaya encore de se donner la mort ; mais on lui arracha le poignard des mains, ce qui le rendit furieux. Il demanda du poison à un médecin, lequel aima mieux se tuer que de lui obéir.

XXIII.

Dans ce temps parut une femme qui disait avoir été avertie en songe de conseiller à Adrien de ne pas se tuer, parce qu’il guérirait, et que, faute de l’avoir fait, elle avait perdu la vue ; mais qu’un nouveau songe lui promettait sa guérison, si elle allait embrasser les genoux du prince et lui donner cet avis. Elle obéit à son rêve, et recouvra l’usage de ses yeux, après les avoir lavés avec de l’eau qui était dans le temple d’où elle était venue. Il arriva aussi de la Pannonie un aveugle de naissance, qui toucha l’empereur alors en proie à la fièvre ; et aussitôt il recouvra la vue, et la fièvre quitta le malade. Il faut dire que Marius Maximus attribue ces prodiges à l’artifice.

Adrien se rendit ensuite à Baies, laissant à Rome Antonin, pour y commander. Mais ce séjour