Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/361

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pas moins d’ardeur pour l’étude. Quelque temps après il épousa Faustine, dont il eut une fille. Il fut ensuite revêtu de la puissance tribunitienne et du pouvoir proconsulaire, hors de Rome ; distinctions auxquelles on ajouta le droit de proposer cinq affaires au sénat dans une même séance. Il avait tant de crédit auprès d’Antonin le Pieux, que ce prince avançait difficilement quelqu’un sans son agrément. Il témoigna toujours la plus grande déférence à son père Antonin, répondant ainsi aux secrètes calomnies répandues contre lui par quelques envieux, surtout par Valérius Omulus, qui, voyant Lucilla, la mère de Marc-Aurèle, prosternée, dans un verger, devant la statue d’Apollon, dit tout bas à Antonin le Pieux : « Elle prie le ciel de terminer vos jours, et de donner le trône à son fils. » Mais ces insinuations n’eurent aucun pouvoir sur l’empereur ; tant la vertu de Marc-Aurèle était connue, tant sa modération dans l’exercice du pouvoir était grande.

Sur la demande de cette assemblée, il créa consul M.Antonin, qui était questeur ; et il désigna pour la questure, avant l’âge, Annius Vérus, qui fut dans la suite appelé Antonin. Il ne statuait rien concernant les provinces, il ne prenait aucune mesure importante, avant d’en avoir conféré avec ses amis, et ses édits n’étaient que l’expression de leur opinion. Il les recevait vêtu comme un simple particulier, et occupé de ses affaires domestiques.

VII.

Il était si jaloux de l’estime publique, qu’étant encore enfant, il défendit à ses intendants de rien faire avec arrogance, et qu’il rendit aux parents de quelques testateurs les héritages que ceux-ci lui avaient laissés. Enfin, pendant les vingt-trois années qu’il vécut dans la maison de son père adoptif, il s’y fit aimer tous les jours davantage : durant tout ce temps-là il ne s’absenta que deux fois, et chaque fois une nuit seulement. Aussi Antonin le Pieux, voyant sa fin approcher, fit venir ses amis et les préfets, le nomma devant eux son successeur à l’empire, et le leur recommanda ; puis, ayant donné pour mot d’ordre au tribun : Egalité d’âme, il fit porter dans la chambre à coucher de Marc-Aurèle la statue d’or de la Fortune, qui, selon l’usage, était toujours dans l’appartement de l’empereur.

Marc-Aurèle remit à Mummius Quadratus, fils de sa sœur, laquelle venait de mourir, une partie des biens de sa mère. Contraint par le sénat de prendre, après la mort d’Antonin le Pieux, les rênes du gouvernement, il se donna son frère pour collègue, le nomma Lucius Aurélius Vérus Commode, lui conféra le titre de César et celui d’Auguste, et, à partir de ce moment, ils gouvernèrent ensemble la république. On vit alors pour la première fois l’empire entre les mains de deux Augustes. Peu de temps après, il reçut le nom d’Antonin ; et comme s’il eût été le père de L. Commode, il l’appela aussi Vérus, nom auquel il ajouta celui d’Antonin. Il lui fiança même sa fille Lucilla, et, à l’occasion de cette alliance, ils firent admettre au partage des distributions de blé les fils et les filles des nouveaux citoyens. Après avoir réglé dans le sénat tout ce qu’exigeaient les circonstances, les empereurs se rendirent ensemble au camp prétorien ; et ils promirent, pour leur avénement au trône, vingt mille sesterces à chaque soldat, et des sommes proportionnément plus fortes aux officiers.

Ils déposèrent, avec un appareil somptueux, le corps du défunt empereur dans le tombeau d’Adrien. Un deuil public fut alors ordonné, et l’on procéda solennellement aux funérailles. Les deux princes prononcèrent, du haut de la tribune, l’éloge de leur père ; ils choisirent parmi ses alliés un flamine, et, parmi ses meilleurs amis, des prêtres, qui furent appelés Auréliens.

VIII.

Les deux empereurs se conduisirent avec une bonté qui fit même oublier celle d’Antonin le Pieux, et le mimographe Marullus en fit