Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

valeur des présents qu’on faisait aux histrions outre leurs appointements, et il leur défendit de recevoir plus de cinq pièces d’or, en laissant toutefois à celui qui donnait le spectacle la faculté d’aller jusqu’à dix. Il fit soigneusement entretenir les rues de Rome et les grands chemins. Il veilla avec sévérité aux distributions de blé. Il donna des juges à l’Italie, suivant l’exemple d’Adrien, qui avait chargé des consulaires d’y rendre la justice. Les Espagnes étant épuisées, il vint sagement à leur secours, au moyen de levées faites en Italie, contrairement à ce que Trajan avait ordonné. Il compléta aussi les lois sur le vingtième des successions, sur la tutelle des affranchis, sur les biens maternels, sur la part des enfants mâles dans l’héritage de leur mère. Il voulut que les sénateurs d’origine étrangère eussent en Italie la quatrième partie de leurs biens. Il donna aux curateurs des quartiers et des routes le droit de punir eux-mêmes ou de renvoyer au préfet de Rome, pour être punis, les receveurs qui auraient exigé quoi que ce fût au delà de la taxe. Mais il remit en vigueur les anciennes lois plutôt qu’il n’en fit de nouvelles. C’était toujours d’après l’avis des préfets, et sous leur responsabilité, qu’il rendait la justice. Le jurisconsulte Scévola était celui qu’il consultait de préférence.

XII.

Il se conduisit avec le peuple comme s’il eût vécu dans un État libre. Plein de bonté pour les hommes, il avait l’art de les détourner du mal et de les porter au bien, donnant des récompenses aux uns, adoucissant les peines des autres. Il rendit bons les méchants et excellents les bons. Il supporta aussi avec modération les railleries de quelques personnes : un certain Vétérasitrus, qui avait la plus détestable réputation, lui demanda un jour une dignité ; l’empereur l’exhorta à détruire l’opinion qu’on avait de lui ; et celui-ci ayant répondu que l’on voyait au rang des préteurs plusieurs de ceux qui avaient combattu avec lui dans l’arène, il souffrit patiemment cette réponse. Craignant surtout de punir trop facilement, il avait l’habitude, quand un magistrat, fût-ce un préteur, s’était mal conduit, non de le contraindre à résigner ses fonctions, mais de les donner à un de ses collègues. Jamais il ne jugea en faveur du fisc, dans les causes qui pouvaient l’enrichir. Il savait être ferme et bon tout ensemble.

Lorsque son frère revint victorieux de la Syrie, on donna aux deux empereurs le titre de Pères de la patrie, parce qu’Antonin s’était conduit, pendant l’absence de Vérus, avec beaucoup de modération envers les sénateurs et tous les citoyens. On leur offrit même à tous deux la couronne civique, et Lucius demanda qu’Antonin partageât avec lui les honneurs du triomphe ; il demanda aussi que les fils de ce prince fussent appelés Césars. Antonin poussa si loin la modestie, que, malgré son triomphe avec son frère, il lui laissa, après sa mort, le nom de Parthique, et il prit celui de Germanique, que ses propres exploits lui avaient mérité. Les enfants d’Antonin, de l’un et de l’autre sexe, eurent part au triomphe des deux princes ; en sorte que l’on vit alors des jeunes filles sur le char triomphal. Marc-Aurèle et Verus assistèrent en costume de triomphateurs aux jeux donnés pour cette cérémonie.

Entre autres preuves de l’humanité de Marc-Aurèle, on doit louer l’attention qu’il eut de faire