Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et entra seul dans le sanctuaire. En revenant en Italie par mer, il essuya une violente tempête. Il prit la toge à Brindes, et donna l’ordre à ses soldats d’en faire autant. Jamais, sous son règne, ils ne portèrent, dans la capitale, le costume militaire. Arrivé à Rome il célébra son triomphe, et il se rendit, peu de temps après, à Lavinium. Il s’adjoignit ensuite Commode pour collègue dans la puissance tribunitienne. Il donna au peuple un congiaire et des spectacles magnifiques. Il réforma beaucoup d’abus dans l’ordre civil. Il modéra les dépenses occasionnées par les combats de gladiateurs. Il répétait souvent la maxime de Platon : « Que les États seraient florissants, si les philosophes régnaient, ou si les rois pratiquaient la philosophie. »

Il maria son fils à la fille de Brutius Présens, et ces noces furent célébrées comme celles des particuliers. A cette occasion, il donna encore un congiaire au peuple.

Il partit ensuite pour achever la guerre, pendant laquelle il mourut. Les mœurs de Commode commençaient déjà, malgré tous ses soins, à se corrompre. Il fit pendant trois ans la guerre aux Marcomans, aux Hermundures, aux Sarmates et aux Quades, et, s’il eût vécu une année de plus, il eût fait de leurs pays des provinces romaines. Ayant réuni ses amis deux jours avant de mourir, il leur témoigna, dit-on, à l’égard de son fils, les mêmes sentiments que Philippe à l’égard d’Alexandre ; car il augurait mal de lui, et il avoua que, laissant un pareil fils, il voyait sans peine approcher sa fin. Commode s’était déjà avili par ses débauches et par sa cruauté.

XXVIII.

Voici ce que l’on raconte des derniers moments de Marc-Aurèle. Dès le commencement de sa maladie, il appela son fils, et exigea de lui qu’il terminât cette guerre, afin de ne pas être accusé de trahir les intérêts de la république. Commode lui ayant répondu que son premier désir était de se soustraire à la contagion, il lui permit de faire ce qu’il voudrait, et lui demanda seulement d’attendre encore quelques jours, ou de partir en même temps que lui. Impatient de mourir, il s’abstint ensuite de manger et de boire, et il fit tout pour augmenter son mal. Le sixième jour, il manda ses amis, disserta, en se moquant, sur la fragilité des choses humaines, montra un grand mépris de la mort, et leur dit : « Pourquoi me pleurez-vous, plutôt que de penser à la peste qui peut vous enlever tous ? » Voyant ensuite qu’ils voulaient se retirer, il leur dit en soupirant : « Si vous me quittez déjà, je vous dis adieu et vous précède. » Quand ils lui demandèrent à qui il recommandait son fils, « A vous, s’il en est digne, répondit-il, et aux dieux immortels. » La nouvelle de sa maladie causa une vive douleur aux armées, qui l’aimaient beaucoup. Le septième jour, le mal empira : il n’admit auprès de lui que son fils, et le renvoya aussitôt, de peur qu’il ne gagnât sa maladie. Quand il fut seul, il se couvrit la tête, comme s’il voulait dormir, et il rendit l’âme pendant la nuit. On assure qu’il voulut mourir dès le jour où il prévit que son fils serait tel qu’il se montra depuis, craignant, disait-il, de le voir ressembler à Néron, à Caligula et à Domitien.

XXIX.

On a fait un crime à Marc-Aurèle d’avoir élevé à différentes dignités les amants de