Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/377

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donna le gouvernement des royaumes à des rois, et celui des provinces à des personnes de sa suite. Il revint à Rome pour célébrer son triomphe, mais à regret, comme si, en quittant la Syrie, il abandonnait son propre royaume. Il triompha avec Marc-Aurèle, et reçut du sénat les noms que lui avait donnés l’armée.

VIII.

Il se fit, dit-on, couper la barbe en Syrie, pour complaire à une courtisane ; ce qui excita la verve satirique des Syriens. La destinée voulut qu’à son retour il portât la peste dans les provinces où il passa, jusqu’à Rome. On croit que ce fléau avait pris naissance dans la Babylonie, un soldat ayant ouvert dans le temple d’Apollon un coffret d’or, d’où s’échappa un air pestilentiel qui envahit le pays des Parthes et l’empire romain. Et ce n’est pas Vérus qu’il en faut accuser, mais Cassius, qui osa, violant ses engagements, traiter en ennemie la ville de Séleucie, où nos soldats avaient été reçus comme amis. Quadratus, qui a écrit la guerre des Parthes, justifie même celui-ci de cette imputation, et accuse les habitants de cette ville d’avoir manqué les premiers à la foi promise.

Vérus porta le respect pour Marc-Aurèle jusqu’à vouloir partager avec lui, le jour où ils triomphèrent ensemble, les noms qu’on lui avait donnés. Depuis son expédition contre les Parthes, il lui témoigna moins d’égards ; en effet, il favorisa impudemment des affranchis, et il fit beaucoup de choses sans l’agrément de son frère. On le vit en outre amener des histrions de la Syrie, avec, autant d’ostentation que s’il eût traîné des rois à sa suite pour rehausser son triomphe. A leur tête était un certain Maximin, auquel il donna le nom de Pâris Il fit construire sur la Voie Clodienne une magnifique maison de campagne, et il y passa plusieurs jours dans les excès les plus monstrueux, avec ses affranchis et des amis semblables à lui ; compagnie devant laquelle disparaissait toute pudeur. Il y invita Marc-Aurèle, qui s’y rendit pour lui donner l’exemple de l’incorruptible pureté de ses mœurs. Ce prince resta cinq jours dans cette maison, entièrement occupé du soin des affaires, tandis que Vérus ne songeait qu’à faire bonne chère, et en épuisait tous les moyens. Ce dernier avait, entre autres comédiens, un certain Agrippus, qui portait le surnom de Memphis, et qu’il avait amené de Syrie, comme un trophée des Parthes. Il le nomma Apolaustus, ou ministre de ses plaisirs. Il avait encore avec lui des joueurs de harpe et de flûte, des histrions, des bouffons, des acteurs mimiques, des joueurs de gobelets, enfin tous ces bateleurs qui font les délices des Syriens et des Alexandrins ; en sorte que c’était moins des Parthes que des histrions qu’il semblait avoir triomphé.

IX.

Sans l’affirmer ouvertement, l’on disait tout bas que ces différences dans leur conduite avaient fait naître entre eux des inimitiés. On remarqua surtout que Marc-Aurèle envoya en Syrie, en qualité de lieutenant, un certain Libon, son cousin, lequel se conduisit avec plus de hardiesse qu’il ne convenait à un sénateur, disant qu’il écrirait à cet empereur dans tous les cas douteux : or, cet envoyé, dont la présence était insupportable à Vérus, tomba tout à coup malade, et mourut avec des marques de