Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/378

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poison. Sa mort fut attribuée, non par Marc-Aurèle, mais par quelques personnes, à la perfidie de Vérus, et cette circonstance augmenta le bruit qui s’était répandu de la désunion des deux frères.

Les affranchis Géminas et.Agaclyte eurent, ainsi que nous l’avons dit dans la vie d’Antonin le Philosophe, une grande influence sur l’esprit de Vérus. Il fit même épouser au dernier la femme de Libon, contre la volonté de Marc-Aurèle, qui assista pourtant à ces noces, célébrées par son frère. Ce prince favorisa encore quelques affranchis de mauvaises mœurs, tels que Codes, Eclectus, et d’autres. L’empereur, à la mort de Vérus, les éloigna tous avec des titres honorifiques, excepté Eclectus, qui fut dans la suite le meurtrier de Commode.

Marc-Aurèle ne voulant ni envoyer Vérus seul contre les Germains, ni le laisser à Rome, à cause de ses débauches, ils partirent ensemble pour cette guerre, et se rendirent à Aquilée. On traversa les Alpes, au grand regret de Vérus, qui avait passé son temps à Aquilée en promenades et en festins, tandis que MarcAurèle pourvoyait à tout. Nous avons suffisamment parlé, dans la vie de ce prince, et des ambassades envoyées par les barbares pour demander la paix, et de la conduite de nos généraux. La guerre une fois terminée en Pannonie, Vérus sollicita la faveur de retourner à Aquilée, dont il regrettait les plaisirs, et il en prit le chemin. Mais, à peu de distance d’Altinum, il fut subitement frappé d’apoplexie dans sa voiture. On l’en fit descendre, et, après lui avoir tiré du sang, on le conduisit à Altinum, où il mourut au bout de trois jours, sans avoir recouvré la parole.

X.

On a dit qu’il avait vécu dans un commerce incestueux avec sa belle-mère Faustine, et que celle-ci le fit mourir avec des huîtres empoisonnées, pour se venger de ce qu’il avait révélé ce secret à sa fille. Des soupçons atteignirent aussi Marc-Aurèle, ainsi que nous l’avons vu dans sa vie ; mais le caractère d’un tel homme le justifie assez. D’ailleurs la plupart des témoignages attribuent ce crime à Faustine, jalouse, autant que la femme de Vérus, de l’ascendant que Fabia exerçait sur ce prince. L’intimité entre Vérus et sa sœur Fabia était en effet si grande, que le bruit courut qu’ils avaient formé le projet de tuer Marc-Aurèle, et que l’affranchi Agaclyte l’ayant dénoncé a cet empereur, Faustine en avait prévenu l’exécution par la mort de Vérus.

Ce prince était bien fait et beau de visage. Sa barbe, qu’il laissait tomber à la façon des barbares, avait quelque chose d’imposant ; et ses sourcils, qui se joignaient sur son front, lui donnaient un air vénérable. Il avait, dit-on, un tel soin de ses cheveux blonds, qu’il les couvrait de poudre d’or, pour les rendre plus brillants. Il s’exprimait avec difficulté ; il aimait le jeu avec passion. Il se livra toute sa vie à la débauche, et ressembla en plusieurs choses à Néron ; il faut toutefois en excepter la cruauté et le goût de la moquerie. Entre autres objets de luxe, il avait une coupe de cristal d’une grandeur immense, qu’il appelait l’Oiseau, du nom de son cheval favori.

XI.

Il vécut quarante-deux ans, et en régna onze avec son frère. On déposa son corps dans le sépulcre d’Adrien, où était aussi celui d’Elius César, son père selon la nature. D’après une fable