Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/382

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rien sous un bon général ; car les demandes et les besoins sont moindres. »

VI.

Cassius ne trompa point ces espérances. Il fit aussitôt publier à son de trompe, et afficher sur les murs, une ordonnance portant que tout soldat qui serait vu à Daphné serait cassé ignominieusement. Il fit régulièrement de sept en sept jours la revue des armes, des vêtements, des chaussures et des bottines des soldats. Il proscrivit du camp tout ce qui amollit les courages. Il menaça les troupes de leur faire passer l’hiver sous des tentes, si elles ne changeaient de mœurs ; et elles auraient vu l’effet de cette menace, si elles ne s’étaient corrigées. Tous les sept jours, il exerçait les soldats à lancer des flèches et à manier les armes. Il disait que c’était une chose honteuse que de voir des athlètes, des chasseurs et des gladiateurs s’exercer sans cesse, tandis que des soldats, à qui l’habitude du travail devait le rendre moins pénible, ne le faisaient pas. Il corrigea ainsi la discipline, et remporta de grands avantages en Arménie, en Arabie et en Égypte. Il fut aimé de tous les peuples de l’Orient, et en particulier des habitants d’Antioche, qui l’aidèrent à s’emparer de l’empire, comme le rapporte Marius Maximus, dans la vie de Marc-Aurèle. Selon le même historien, dans le second livre de cette vie, il repoussa les Bucoles, qui commettaient de grands désordres en Égypte.

VII.

Cassius, si l’on en croit quelques auteurs, se fit nommer empereur en Orient, du consentement de Faustine, que commençait à inquiéter la santé de Marc-Aurèle, et qui craignait de ne pouvoir protéger seule ses fils, encore enfants, si quelqu’un voulait saisir le pouvoir royal et les faire périr. D’autres disent qu’afin de tromper l’attachement des soldats et des provinces pour Marc-Aurèle, et de les faire consentir à son élévation, Cassius imagina de déclarer que ce prince était mort ; et il le mit, dit-on, au rang des dieux, pour adoucir le regret de sa perte. Lorsqu’il parut en public avec le titre d’empereur, il nomma aussitôt préfet du prétoire celui qui l’avait revêtu des ornements royaux. Ce préfet fut tué plus tard avec lui par l’armée, contre la volonté de Marc-Aurèle, ainsi que Métianus, qui était gouverneur d’Alexandrie, et qui, dans l’espoir de partager le trône avec Cassius, s’était rangé de son parti. Marc-Aurèle ne montra pas un grand courroux à la nouvelle de cette révolte, et il ne sévit ni contre les enfants de Cassius, ni contre ses parents. Le sénat le déclara ennemi, et confisqua ses biens, dont Marc-Aurèle ne voulut point augmenter son trésor particulier ; refus qui détermina cette assemblée à les adjuger au trésor public. L’alarme fut grande à Rome, le bruit ayant couru que Cassius y viendrait en l’absence de Marc-Aurèle, qui n’était haï que des débauchés, et qu’il livrerait la ville entière au pillage, surtout à cause des sénateurs, lesquels avaient prononcé contre lui une sentence de mort et la confiscation de ses biens. Ce qui prouve surtout l’amour qu’on avait pour Marc-Aurèle, c’est que tous les peuples, excepté celui d’Antioche, applaudirent à la mort de Cassius. L’empereur la permit sans l’ordonner, et personne ne douta