Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/381

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Quelquefois il faisait jeter dans un fleuve ou dans la mer dix condamnés, que l’on avait enchaînés ensemble. Il faisait couper aux déserteurs les mains, les cuisses ou les jarrets, disant que l’existence misérable d’un criminel était d’un plus utile exemple que sa mort.

Pendant une des marches de l’armée, un corps d’auxiliaires, entraîné par les centurions, courut se jeter, sans sa permission, sur trois mille Sarmates qui occupaient négligemment les bords du Danube, et les mit en pièces. Les centurions, revenant ensuite avec un grand butin, s’attendaient à une récompense pour avoir détruit tant d’ennemis avec une poignée d’hommes, dans une entreprise soufferte ou plutôt ignorée par les tribuns. Cassius ordonna que ces centurions fussent mis en croix et livrés au supplice des esclaves ; ce qui était sans exemple : il disait que les ennemis auraient pu avoir tendu un piège, où eût péri la majesté du peuple romain. Une violente sédition ayant éclaté dans l’armée, il sortit nu de sa tente et en simple tunique : « Frappez-moi, dit-il, si vous l’osez, et ajoutez ce crime au renversement de la discipline. » Tout rentra dans l’ordre à ces mots, et il mérita d’être craint parce qu’il ne craignit rien. Sa sévérité raffermit la discipline romaine ; et cet exemple d’un général punissant ses soldats pour avoir vaincu sans ses ordres inspira tant de terreur aux barbares, qu’ils firent demander à Antonin absent à conclure la paix pour cent ans.

V.

On trouve un grand nombre d’exemples de la sévérité de Cassius envers les soldats, dans l’ouvrage d’Emilius Parthénianus, auteur d’une histoire de ceux qui, depuis les temps les plus anciens, ont aspiré au pouvoir suprême. Cassius faisait fouetter de verges dans la place du marché, puis décapiter au milieu du camp, les soldats qui l’avaient mérité. Il fit aussi couper les mains à plusieurs d’entre eux. Il ne permettait à personne de porter avec soi, en temps de guerre, d’autres provisions que du lard, du biscuit et du vinaigre : découvrait-il quelque chose de plus, il frappait ce luxe de peines très sévères. Il existe à ce sujet une lettre de Marc-Aurèle à son préfet ; la voici : « J’ai confié à Avidius Cassius les légions de Syrie, qui vivent plongées dans la mollesse et dans les délices de Daphné, et qui font, d’après ce que m’a écrit Césonius Vectilianus, un continuel usage des bains chauds. Je ne crois pas avoir fait un mauvais choix ; vous connaissez aussi Cassius, qui a toute la sévérité de ceux dont il porte le nom, et qui rétablira l’ancienne discipline, sans laquelle on ne saurait gouverner les soldats. Vous savez ce vers, si souvent cité, d’un grand poète : « C’est par les mœurs antiques et par les hommes qui les conservent que se maintient la république romaine. » Pour vous, ayez seulement soin de fournir aux légions des provisions abondantes : Avidius, si je le connais bien, en saura faire un bon emploi. »

Le préfet répondit à l’empereur : « Vous avez sagement fait, mon prince, en donnant à Cassius le commandement des légions de Syrie. Rien n’est plus nécessaire qu’un chef sévère pour des soldats grecs. Il interdira certainement les bains chauds, et ces fleurs dont les soldats se chargent le cou, la tête et la poitrine. Tout l’approvisionnement de l’armée est prêt : on ne manque de