Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/104

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vivre. Dans cette masse confuse de matière sous-marine, où l’on surprend les premiers mouvements, je ne reconnais pas qu’une amibe en train de se nourrir : j’y distingue les convulsions de la vie qui se cherche, et de grade en grade prétend s’élever au pouvoir de souffrir. Tant d’efforts à fuir la souffrance ne tendent qu’à ne plus éluder la souffrance. C’est là seulement que la vie se connaît et se possède. Là, elle se hait, peut-être, aussi. Les degrés innombrables en tous sens mènent à cette terrasse : de là haut, la vie se contemple jusqu’au fond dormant de la mer. Quand la vie se possède, elle doit abdiquer. Possession de soi, — dépossession éternelle. Ce splendide empire, je le parcours des yeux ; il s’étend devant ma vue, dans la station que je fais, ce soir, sur la plus haute terrasse : c’est