Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/105

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l’excès de la souffrance. Voilà pourquoi je pleure, ô sèches pierres, vous qui pensez. Et je pleure aussi sur vous.

Je ne puis donc l’éluder, et je ne saurais dire que j’en fasse choix : j’y suis forcé. Comme une heure de soleil au mourant d’un naufrage, qu’un dieu me fasse le don de la joie, s’il peut m’être fait ; mais je ne puis me le faire. Je dois aller à ce comble de souffrance, que j’ai prévu et que je n’ai pas choisi. C’est le propre mouvement de ma vie, la marche où elle est contrainte. Je n’y cours pas, comme celui qui, croyant à son bonheur, se hâte ; et, si je le dis, je mens. J’y vais, parce que je le dois.

N’éludez pas la souffrance, c’est le plus haut devoir et le seul. Aux échelons mêmes de la joie, la vie abusée ne cherche des forces que pour monter jusque-là. Pierres