Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/112

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tais ces récits. Toujours je pensais au père, à la femme, au pauvre frère, là-bas au pays, recevant la nouvelle, coup de couteau brutal dans le cœur : — Un matin sans péché, pareil, croit-on, à tous les autres, et où toute la vie s’arrête. Toujours, je frémissais pour eux à l’horreur de ce grand déchirement. Voilà pourtant le sort qui l’attendait au port, et où j’étais réservé moi-même : pour nous conduire tous les deux à ce tertre. Un coup plus brusque n’a frappé personne, ni plus mortel, ni plus déchirant. Ici, penché sur cette terre brune, je sens en vous des frères et je vous aime. Pour vous aussi, la rose sanglante fleurit, haute et belle. Dans la pitié d’un seul, j’ai pitié de tous. Comme il est avec Lui, mon cœur est avec vous. Le sien vous était ouvert ; nul plus que lui, n’a pris à