Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/117

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ceux qui aimèrent, j’ai le remords de n’avoir pas assez aimé. Il aurait fallu donner sa vie, pour faire assez. La pitié est mon péché contre moi-même : le mal qu’elle me fait, parle du bien que je n’ai pas su faire. Mais voici…

Sous les mains jointes de ces frênes, sœurs paisibles, qui écoutent passer le temps, voici que l’air lustral se répand en source et en ruisseau. L’eau vierge coule, et chante : « Viens. »


« Viens », dit-elle. Mais l’eau trompeuse n’a point de trahison, quand elle est froide et virginale. Ô charme de la source : elle fait oraison sur les pierres ; elle caresse la mousse en la goûtant des lèvres. Je m’agenouille à l’appel de ce ruisseau salutaire. Ô bonheur de m’y baigner. L’embrassement glacial me puri-