Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/118

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fiera-t-il enfin ? — Je trempe les mains, ouvrières du péché de vivre, et les flancs qui en nourrissent la convoitise. Je couche toute cette chair fiévreuse dans le linceul transparent de l’eau. Repos du bain, qui délasse comme un sommeil volant. Je trempe aussi le front, la prison des idées douloureuses, que la peste décime. Et je baigne ces yeux que la faux rouge a brûlés. Une larme innocente, une larme du ciel enfant, c’est la source dans la vasque. Si j'y reste étendu, je verrai peut-être le faon qui vient y boire, prêt à fuir au moindre bruit.

Je me lave à cette eau, comme mon Bien Aimé s’abandonne aux parois du tombeau. La pensée se réveille, tel le condamné à mort pour l’exécution. Avec moi-même, alors, le chaud tourment de la vie s’est miré dans la source ; et j’y ai