Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/121

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lac ; et soudain, me demandant ce que j’y fais, tombé déjà de si haut, il me semble que je retombe. Je ne peux plus desceller les paupières ; et je me dis : « Pourquoi me réveiller ? à quoi bon ? Je suis dans ce lit, où mon père est mort, et mon pauvre enfant est dans la terre. »

Il se tut, un instant. Puis : — C’est à moi de chanter, maintenant, sur moi-même, le Super flumina mortis. Sur les flots de la douleur, je descends le fleuve de la vie ; et je vais vers la mort, inévitablement. Voici déjà la mer.

Il s’était tourné vers la mer ; et il la regardait, comme si elle eût dû lui rendre ce frère absent. Je vis alors que François Talbot pleurait, en silence. Ému de pitié, je lui pris la main et lui dis : — François, une telle douleur ne va-t-elle pas contre la vie ? Et celui qui la cause ne vous eût--