Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/143

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l’hiver. Elle se tait et sourit profondément. Elle reçoit du soleil, son maître, un or décoloré, et froid, qui ne l’enrichit pas, mais qui la pare d’orfroi ancien et lui promet une auréole. Toutes les feuilles, oiseaux d’or, tiennent encore aux branches. Quelques promeneurs troublent la campagne silencieuse, eux-mêmes étonnés du tumulte qu’ils apportent et gagnés par le silence. Ma chair aussi s’en laisse pénétrer ; oublieuse, elle prend sa part de l’oraison tranquille, où la nature se recueille. Mes yeux brûlants se reposent sur la lumière douce ; la vie a le balancement d’une barque, sur un lac de vermeil qui se dédore. Je regarde les feuilles, oiseaux morts, et le ciel, la page de vélin vert, et le vitrail blond de la terre. Je suis entré, moi aussi, dans le Sagittaire… Mais soudain, une de ses flèches me troue de part