Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/144

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en part ; l’archer terrible, qui lance le souvenir, m’a percé le cœur.


Vingt jours, et Celui que le soleil emporte, mais ne réchauffera plus, voyait encore le ciel. Il eût goûté la douceur de la lumière, comme moi. Je ne suis pas même au bout du troisième septénaire, et la fièvre de ma mort n’a pas donné un seul frisson à notre mère, la nature. L’idée de sa vie aveugle est révoltante : pourquoi la continue-t-elle ? Pour qui ? Aux dépens de la vie merveilleuse que l’on pleure, que va-t-elle nourrir, cette mère sans âme ? Que n’ose-t-elle pas, dans la paix de son aveuglement ?

Il n’est pas deux feuilles identiques, ni deux pierres, ni deux atomes, si l’on veut. L’ordre divers, où sont disposés les éléments semblables, les diversifie. Mais