Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/147

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avait fleuri ici, et que je viens d’y voir détruire ?


Le triomphe de la nature est celui d’une force sans nom. Triomphe de la cécité et du gouffre, plus brutal que la bestialité. Il n’est fait que de deuils en nombre infini. J’y regarde de plus près : dans cette masse de misères, je discerne un infini sans voix pour se plaindre, mais dont le système vibre d’un infini tressaillement. C’est l’absurdité du monde qui a mis sur le front de la nature ce masque de paix stupide. La vie n’est pas si sereine ; un éternel mouvement l’agite ; et pour rien, elle aussi. La nature rêve la vie, je vous le dis, la misérable aveugle. Une inquiétude est en elle, un élan sans limites, et peut-être sans dessein. Les pierres envient l’obscur allaitement des profondes