Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/146

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— La nature se repaît de nous. La mort est son appétit. Infinie, elle s’étend sur notre misère sans défense. Vous me faites haïr la parure de la terre. Ha, de quoi cette beauté est faite… Que l’on me cache le rire des feuilles et le parfum des fleurs ; il fait peur. Se peut-il que des hommes se réjouissent de donner le cœur de leur cœur pour engraisser le fumier éternel, les entrailles de cette mère ? Que veulent-ils dire enfin ? Quel vent de néant font-ils sur ma face, avec leurs paroles ? — Quoi de commun entre la plus belle rose et une vie détruite ? La plus suave reine d’Ispahan, qu’elle fleurisse ici et qu’elle meure sur sa tige, qui meurt avec elle de la même mort ? Ou, dans les jardins d’Ispahan, qui me rendra un instant, au prix de toutes les roses, un seul instant du cœur que je n’ai plus, qui