Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/152

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Combien j’en sais qui se croient bons : ils n’ont volontiers que leur bonté à la bouche ; le malheur est qu’elle n’agit jamais. Elle ne va pas jusqu’à prêter un livre : je ne dis pas à s’en priver. La bonté abstraite ou d’opinion est assez commune : beaucoup de grands cœurs en chambre ; mais ils préfèrent leur bibliothèque à leurs amis. On ne nie point la bonté, plus que le soleil. Elle ne se reconnaît pas dans ceux qui s’en parent aux lumières. Quiconque y regarde d’un peu près, sait bien que la grandeur du cœur et la bonté sont l’une à l’autre l’effet et la cause. C’est une loi : sans largeur, sans la pleine ouverture de l’âme, sans le don de soi, et le don des deux mains, il n’est pas de grande bonté. En vérité, la bonté c’est le génie qui crée ; car le génie, c’est le cœur.