Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/154

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mes sécheresses. Je comptais trop pour Lui : je ne compte plus pour moi.

Sa douceur n’eut rien de fade. Tous les humbles lui étaient chers, non à cause de leur humiliation, mais de leur simplesse à l’accepter. Il n’était dur qu’aux impudents. Il voyait des menteurs sans âme dans ceux qui abusent de la force : car d’où l’ont-ils ? Toute cruauté lui inspirait un mépris terrible, et une prompte vengeance. Il avait pour les pauvres bêtes une sorte de respect : « Innocentes comme elles sont, et toujours victimes, ne méritent-elles pas des égards ? » me disait-il, « puisque aussi bien elles sont condamnées. Et enfin la vie, en elles, est si belle, si libre. Regarde jouer un jeune animal : il enseigne la joie et l’harmonie. » Il n’était pas un saint de l’espèce souffrante. Il ne cherchait pas l’occasion de la douleur ;