Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/182

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faut pas réfléchir ; il ne faut pas penser. La pensée gâte tout… Et l’action sauve tout. Je dois guérir, et je guérirai. Le salut est là-bas, — la pleine guérison, là où est la tendresse. Cher, cher frère… Combien pourtant sont morts ici, à Tong-Kou, à Formose, partout dans ces pays ! Combien dont j’ai vu les tombes : un nom, que la pluie efface ; il n’en reste qu’une lettre, souvent ; une croix, que la pluie ronge. Et tout est dit… Pauvres gens ! Jeunes comme moi, attendus comme moi, et si loin ! Mourir ainsi, quelle douleur pour eux, quelle douleur pour ceux qui les attendent !… Et tous les matelots, que la mer a pris et qu’elle a gardés ? Que ce sort me soit épargné, pour qu’il soit épargné à un autre. Mais non : jamais je ne finirai de la sorte. Je dois guérir. Plus d’une fois, j’ai été sur le