Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/188

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je pense à l’âge où il a été fauché, à sa jeunesse et à la mienne, ma douleur est si forte que je ferme les yeux, et me sens près de tomber évanoui : j’attends le même coup. Évanouissement de l’amour, en effet, de l’espoir, de la confiance, de tout ce qui fait vivre, dans une vue du sépulcre, qu’on ne quittera jamais.


Nous sommes tous matérialistes, dès qu’il plaît à la mort. Et nous parlons de notre cœur, pour parler de notre amour. Tout cela est plein de sang. Nos sensations font la matière du monde et sont matière pour nous-mêmes. L’éternelle victime, c’est notre âme, cette matière des sentiments, qui les porte tous, et que les sentiments ne cessent de créer en retour.

Puis, le saint mensonge de l’illusion se