Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/198

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étonne aussi : par sa seule présence, la victime menace les témoins : pourquoi tant souffrir ? ne sommes-nous pas là, nous qui souffrons si peu ? faudra-t-il en venir là aussi ? — Trop de douleur enfin leur fait tort ; ils ne peuvent plus se divertir, l’âme du véritable amour s’y découvre : c’est l’amour qui fait la grande douleur ; et les autres se disent qu’à aimer de la sorte, il n’y a plus moyen de vivre.


Les meilleurs sont jaloux d’une grande douleur qui leur résiste, parce qu’ils l’ont été de la consoler. Les passions effraient. Tout aspect éternel incommode le cœur des éphémères. Pour se distraire, ils recherchent les émotions ; et ils s’écartent des plus fortes, comme d’un précipice. Les abîmes du cœur ni ceux de la mon-