Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/199

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tagne ne se peuvent longer sans vertige.

Celui qui souffre à l’excès ne trouve plus personne à qui parler. Qui sera au ton ? Je ne voudrais pas que mes amis s’y missent. Ils ne pourraient ; c’est pourquoi ils se taisent. Et moi aussi, je me tais. Comment leur parler de Celui que je n’ai plus ? Que m’en diraient-ils, qui ne soit trop au-dessous de mon sentiment ? Vais-je leur souhaiter d’avoir tout perdu ?

Je veux me cacher de mes plus chers témoins. Pour ceux qui ne pleurent pas, les larmes sont un spectacle. J’ai honte, à la fin, de mes larmes. On ne doit point communiquer ses douleurs mortelles : car, au fond de soi-même, chaque homme se dérobe à celles des autres. Il me faut donc partir pour l’exil de la solitude, où l’excès