Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/206

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serrant sur sa poitrine, j’ai des nouvelles, de douces nouvelles pour toi. Déjà, j’ai revu notre père ; j’en ai reçu le doux accueil : il ne connaît plus que l’égale santé et la calme joie. J’ai dormi dans ses bras… Si tu savais…

— Ô prends-moi, doux frère, prends-moi. Avec toi puissé-je dormir dans ces bras. Conduis-moi où vous êtes. Puissé-je m’étendre entre vous deux, et vous sourire. J’aurai deux cœurs pour tous les deux et pour chacun de vous, mes bien-aimés. Cette nuit, laisse-moi partir avec toi sur le croiseur rapide. Ne me faites plus attendre. Je languis. Je suis las de cette sourde guerre, tout m’est nuit, dans cette rade, tout m’est glace et vide. La neige tombe ; j’ai perdu ma voie ; je ne sais plus de chemin ; j’ai mal d’angoisse et de froid, sur la mer.