Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/210

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pez-le, jusqu’à le tuer : il ne remue pas. Ha, frappez. Voilà où m’a mené la vie, ce promenoir d’anéantissement.


Quoi ? Hier, cette nuit, je doutais encore de « sa » mort. Mais midi est venu. L’idée certaine, irrésistible de cette mort passe au méridien de mon âme, et me dévore. Elle s’offre à moi dans une certitude d’épée nue, de fer éclatant, et rigide au soleil ; la pointe du glaive est tournée vers mon cœur ; il va me percer à travers le corps.

Je ne puis me dérober, aujourd’hui. Ni pleurs, ni sanglots. Des cris étouffés, enfoncés comme des flèches au fond de l’âme. Pris au ventre, pris à la poitrine, pris à la tête ; une seule douleur, le poison d’une seule pensée. Une sécheresse brûlante aux yeux, à la gorge ; les four-