Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/216

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coup, vous sauriez ce que j’endure. J’ai connu cette tendresse depuis que je me connais. J’ai su, dans le malheur, de quoi elle était capable. En elle, je suis privé de tout ce qui m’était cher en moi. Liens inimitables, serrés au cœur par le sang, réseau noué pour sauver le sang.

L’amour, que tu m’as porté, arrache des larmes à tous ceux qui te chérirent. Perdre une telle tendresse, ils frémissaient de le prévoir pour moi ; mais leur idée n’en approche pas. Toi-même, ô ma Chère Pitié, tu n’aurais pu dire à quelle profondeur de l’abîme ta perte devait me précipiter. Hélas, quel silence s’est fait !… Il m’achève. — Quelle main accablante te ferme la bouche, pour t’empêcher de répondre ? Pour peu que tu fusses encore, tu aurais eu pitié de moi : tu m’aurais parlé ; tu m’aurais dis le seul mot que