Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/229

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Ô Seigneur, à cette heure si douce, où le ciel est une tente pour la prière d’or, un homme meurt, sans secours, ô Seigneur, à quelques pas de ma maison. Cet homme n’est pas d’ici. Pourvu qu’il ait encore le souffle !… Puissé-je le recueillir, puissé-je le ranimer. Ou, du moins, si je dois lui fermer les yeux, puisse-t-il voir des larmes dans les miens : à la misère humaine il faut l’aumône du cœur humain.

Quoi ! C’est vous, Jean de Noz, ô mon ami ? Vous ? Meurtri, étendu sur le chemin ? Vous mourez à ma porte !… Ô Dieu, je pleure de le voir ainsi. Il ne peut répondre. Il paraît sans vie. Il étreint la terre rouge, comme s’il y cachait son trésor, le diamant de son âme. Est-ce bien lui que je rencontrais naguères fier comme la lutte et supérieur même à la joie ?