Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/235

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pas : car, je te chéris. Je t’aime, surtout de tant aimer.

Le Mourant. — La tendresse des frères est le legs immortel des parents dérobés par la mort. Et quand le frère meurt, celui qui reste, une seconde fois, perd son père et sa mère.

Le Samaritain. — C’est lui, c’est ton frère, que j’aime en toi. Viens dans ma maison, Jean de Noz : Il t’y attend. Lui-même t’en prie.

Le Mourant. — Lui ? Ha, que dis-tu ?

Le Samaritain. — Je sais l’âme des frères. Comme une moitié du cœur, se mettant à haïr, ferait du mal à l’autre, entre tous les hommes, les frères ennemis se haïssent le plus. Et les frères qui s’aiment, s’aiment le plus. Cette tendresse n’a point d’égale. Elle est l’amour que la vie se porte à elle-même, sans borne