Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/243

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J’ai vu. J’ai été sous ces arbres, et la terre était mouillée. Et là… Celui que l’on mène est toujours le dernier de la rangée. Et déjà le lendemain il ne l’est plus. Et la terre béante est comblée.

Encore, encore une fois ! Impossible d’y croire ; — impossible de n’y pas croire. Impossible de s’y faire ; — et forcé de s’y faire. Cette vie qui m’est ôtée, à toute vie ôte la vie. Rien n’est certain que la mort, si cette mort est certaine. Si je crois à cette mort, il me faut croire à la mienne. Quoi ? Il se pourrait que j’y croie ? en vérité ? — Je tremble de pitié : pour toi, Doux Être ; et pour moi, d’horreur présente. Je le vois dans la terre ; et je m’y vois. Trempée de rosée, rouge comme une bouche, que cette terre était avide, ce matin-là.

Dans la mort de ce qu’on aime, la mort