Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/25

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tout, faute de tout saisir : mais cet exil perdit peu à peu toute amertume. La douceur de s’accomplir est si haute, que la beauté de l’œuvre endort le désespoir de se connaître.

Ce que François Talbot n’eût jamais fait pour lui-même, il voulait le faire pour Jean. Le dégoût de l’action lui était venu de son contact avec le monde ; mais dans son frère il aimait l’action. Jean Talbot brûlait d’agir pour tous les deux, né avec l’instinct de se prodiguer et de s’offrir à quelque grande cause. Dans cette vie héroïque, François Talbot avait donc placé sa propre raison de vivre : car, pour le surplus, il savait qu’il n’y en a peut-être pas. Telle était la tendresse de ces deux jeunes hommes, qu’ayant dû s’opposer presque en tout, l’accord souverain des cœurs en faisait une harmonie parfaite.