Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/27

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plus cher que l’autre. J’allai trouver François Talbot dans sa solitude. Tantôt, il vit près de Paris ; tantôt au bord de la mer. D’abord je ne le reconnus pas. Pour la première fois, sa vigueur semblait éteinte. L’impérieuse ardeur de cette nature, ses élans, sa violence enfin étaient amortis ; ou plutôt, le désespoir intérieur avait enseveli la nature effondrée de cet homme, comme une source disparaît dans la terre ouverte.

Je vis un malheureux, en qui la vie cherchait une issue, et, lasse de se haïr, la fuite. Les yeux, allumés de fièvre, brûlaient d’une douleur qu’attise la révolte. Déchiré par le destin, il se déchirait lui-même. Il était celui qui, s’étant longtemps pansé avec patience, arrache soudain les bandages que le rêve pose aux plaies de la volonté et de l’amour.