Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’abîme de la douleur, le ciel unique. La pensée, de degré en degré, perce au delà de l’atmosphère ; il faut la suivre et périr. À la hauteur où l’amour manque, le soleil s’éteint. Là est la nuit, le vide irrespirable et le froid de la Mort : c’est la Douleur que je veux dire.

Rappelle-toi, toi qui doutes d’une douleur sans borne. Il n’y a qu’un amour. Les amants ne savent pas qu’ils aiment : trompés par le nuage du désir, ils ne mirent que leur instinct en eux-mêmes. Mais, déjà, la volupté leur découvre l’océan du vide ; et dans la profonde plainte de la passion, déjà une voix douloureuse s’élève, un son lointain, l’appel d’une terre inconnue, que porte le vent, et où il faudra faire escale, et peut-être que l’on aborde. L’amour des amants se fait connaître dans la douleur. Voilà l’île, où, enfin, la